INTIME ARMÉNIE

 

EXPOSITION DU 17 NOVEMBRE AU 17 DÉCEMBRE 2010 À LA CITÉ UNIVERSITAIRE DE PARIS ET DU 5 AU 20 MARS 2011 À LA CATHÉDRALE APOSTOLIQUE ARMÉNIENNE DE PARIS

 

Quel familier de l’Arménie, après avoir accepté l’hospitalité qui lui était offerte et s’être laissé entraîner à l’intérieur de la maison, n’a pas été tout de suite impressionné par le tapis, plus ou moins beau, plus ou moins grand qui, la plupart du temps, décore le mur principal et attire, concentre l’attention sur lui ? Il donne un sentiment de confort, il fait jouer ses couleurs en un kaléidoscope qui illumine la pièce et semble introduire au cœur du foyer la diversité du monde ainsi agréablement maîtrisée ; mais aussi, ont été placés au-devant de lui des objets porteurs de souvenirs, des images pieuses ou symboliques, des photographies, des portraits des ancêtres disparus : autant de signes qui, disposés avec soin, avec respect, avec amour,  participent à la vie quotidienne et, depuis leur place dominante, influent constamment sur elle.


Dans la maison, ce n’est pas exactement le monde qui est représenté, c’est la pensée du monde, une pensée du temps où s’entremêlent le passé et le présent, une distance par rapport à l’événement, une sorte de lucidité ou d’humanité à fleur de mur. En Arménie, les gens ont une manière particulière de mettre en regard la mémoire et la vie présente, en une sorte de travail de composition, de théâtre. C’est ainsi qu’après une litanie désespérante, parfois ressassée presque avec de l’affectation, mais une affectation sincère…, telle remarque ironique incroyablement acide peut venir complètement modifier un paysage mental qu’on avait pu croire intangible. C’est ainsi qu’une croix en tissu, cet emblème apparemment détaché des contingences, a été entourée des lettres du nom d’Alice, bizarrement emportées dans une ronde perpétuelle : Alice, le bébé récemment venu au monde à l’intention de qui son père a réalisé ce khatchkar –cette croix traditionnelle– d’un nouveau genre. C’est aussi un panneau méticuleusement composé à partir d’images où la grandeur urbaine de Yerevan  semble placée sous la protection d’une Madone de Raphaël : un rêve non sans la conscience de l’impossible qu’il met en scène. Que de décors, que de paroles, que de palabres, que de pirouettes intellectuelles pour parvenir à rendre le monde habitable !


Quelques photographies pour rendre compte d’une telle ambiance, pour dire le paradoxe d’églises qui matérialisent en volume, en espace, la croix  et sont en même temps exaltation de la lointaine coupole, pour dire l’incroyable majesté d’un habitat traditionnel qui unifie et structure puissamment les principales fonctions vitales –le foyer, la lumière, le pain–, pour interroger les citations d’un passé difficile à assimiler, pour s’étonner d’étranges mutations ou de consternantes destructions, pour se réjouir des silhouettes pimpantes qui sillonnent les rues, pour tenter de donner quelque chose en échange de l’accueil qui nous est toujours offert .