La Croix Mystique                                                                  > retour

I

 

LES ÉGLISES ARMÉNIENNES

 

 Les églises arméniennes du moyen âge sont dotées de spécificités qui les rendent bien reconnaissables : elles sont en général simultanément ramassées, compactes et comme étirées vers le ciel ; ancrées dans le sol, amarrées aux reliefs doux d’un plateau volcanique, et semblant échapper à la pesanteur.

Bien sûr elles sont partie prenante de l’histoire et de l’art de la chrétienté orientale. Un historien ne manquerait pas de les resituer dans le cadre des conflits depuis si longtemps présents en cette terre frontalière entre Orient et Occident que constitue le Caucase. Un érudit saurait expliquer de quelle manière les grandes questions théologiques débattues notamment aux Ve etVIe siècles ont marqué la forme même des édifices : selon qu’on choisit de privilégier l’humanité du Christ ou sa divinité, on va donner à l’église une focalisation vers l’autel ou une attirance vers les espaces lointains de la coupole. Un amateur de manuscrits aimerait faire vivre ces architectures en y replaçant par la pensée les images incroyablement expressives qu’il connaît, ou inversement, il en imaginerait la lecture dans le cadre architectural qui les a vu éclore. Un voyageur venu de Syrie ou de Byzance serait enclin à montrer du doigt d’évidentes relations ; il pourrait penser à ce décor qui, de part et d’autre des fenêtres, se poursuit à l’horizontale pour participer à toute la longueur du mur, il penserait aux coupoles encore. Un historien de l’art et des civilisations saurait montrer combien les structures qui se mettent en place au VIIe siècle sont une synthèse originale appuyée sur les formes du passé – la basilique et l’édifice en croix centrée - et propres à donner une clef possible des évolutions qui, surtout à partir du XIe siècle, proposent de nouvelles méditations sur la croix et la coupole, c’est-à-dire sur les relations de l’humain et du divin.

> suite