LA CROIX MYSTIQUE                                                                        > retour

IV

 

VOIR UNE BASILIQUE

 

Pour que les regards de toute l’assemblée des fidèles puissent se diriger en même temps, collectivement et dans un mouvement unanime, vers le chœur, vers l’autel, là où le rituel de la messe doit faire revivre les tragiques événements de la vie du Christ, un bâtiment rectangulaire, nettement allongé, est la solution la plus simple. Et sur le petit côté oriental, tout au bout du rectangle, une abside. Les plus anciennes basiliques chrétiennes de Rome, qui reprennent logiquement le plan d’édifices païens, ont adopté ce parti.

 Il en va de même en Arménie où, du IVe au VIe siècles, la plupart des basiliques ont une seule nef dans le grand rectangle qui les constitue. Mais elles vont souvent être dotées d’une voûte en pierre en remplacement de la couverture en bois : tout l’espace intérieur s’en trouve transformé et empreint d’une unité nouvelle. D’autre part, une dizaine d’entre elles, plus élaborées, ont trois nefs. C’est le cas de Tsitsernavank ou de Yererouk, où deux rangées d’arcades séparent le vaisseau principal et les petits bas-côtés. Ces basiliques ne sont plus de simples maisons allongées : la nef centrale est désormais individualisée, elle devient un généreux volume qui, doué d’une sorte de personnalité très volontaire, redessine un nouveau rectangle ouvert et aérien ; elle inscrit spatialement, à l’intérieur de l’édifice, la tension spirituelle dont l’autel est l’aboutissement. L’architecture s’est mise au service de la fonction rituelle mais a aussi été travaillée pour conférer à cette fonction rituelle une allure comme détachée des contingences terrestres. L’architecture joue donc pleinement sa partie dans la pensée de ces lieux.

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