LA CROIX MYSTIQUE                                                                        > retour

 

IX

 

VOIR UNE BASILIQUE À COUPOLE

 

C’est une longue église explicitement orientée vers l’est, mais avec un transept perpendiculaire au corps principal, et donc avec deux bras nord et sud bien reconnaissables à leurs deux grands murs pignons. De plus, à la croisée de la nef et du transept, se produit un événement qui arrache le regard à ses habitudes basilicales : une haute tour se détache de tout le reste de l’édifice et pointe sa toiture conique vers le ciel. Que vient faire ici cet incontestable souvenir d’une église centrée ?


 En réalité, si les églises centrées sont discrètement mais nettement orientées vers l’est, les nouvelles basiliques du VIIe siècle, tout en demeurant fort allongées vers l’est, sont néanmoins elles aussi centrées. Les églises centrées peuvent sembler plus centrées qu’orientées, et les basiliques devraient donc sembler plus orientées que centrées, mais pourquoi ces deux traitements différents ? Les églises centrées, élaborées pour mettre en scène la prééminence de la coupole céleste, n’ignoraient certainement pas l’efficacité du rituel de la messe ; les basiliques, pouvant accueillir davantage de fidèles, se préoccupent plus explicitement d’eux, la nef s’allonge pour eux, l’autel capte leur attention, mais il semble que les ordonnateurs de l’architecture des nouvelles basiliques aient voulu tempérer cette importance du corps du fidèle en rétablissant l’appel céleste que la coupole peut adresser à des âmes déjà quelque peu gagnées à une cause divine échappant nécessairement à l’ordre humain.


Située à l’intersection des bras d’une croix tout de même un peu effacée, la coupole en manifeste l’incontestable existence en valorisant ce lieu de rencontre essentiel : elle est la coupole de la croix et ne saurait exister sans cette croix qui la supporte. C’est ainsi que la coupole entraîne au plus haut la croix qui a permis son existence, elle transforme cette croix au sol en croix céleste tout en préservant la fonction liturgique de l’autel. En effet, si, selon les enseignements de l’Église, il y a une croix du sacrifice, il y a également une croix de gloire, ce dont la réactualisation opérée par la messe donne une première étape. Le fidèle n’a pas assisté à une rivalité dont il faudrait désigner le vainqueur mais à une méditation active sur la complexité de la relation entre l’Église, orientée vers le monde céleste mais nécessairement humaine, et le Christ dans son humanité et sa divinité.


Après avoir franchi le seuil de l’église, le fidèle s’est trouvé dans une longue salle allongée vers l’autel mais étonnamment happée par la coupole. Pourquoi ? Parce que la nef ne comporte qu’une arcade d’ouest en est, de même que le chœur, de même que le transept mais qui, lui, monte beaucoup plus haut. Donc, nef et chœur semblent préparer tout l’intérieur à l’exaltation de la coupole. S’il n’y a pas de rivalité entre les différents membres de l’église, il y a une hiérarchie pleinement assumée qui fait de la coupole l’image céleste, la croix mystique, autour de laquelle toutes les activités humaines, y compris religieuses, peuvent et doivent s’affairer.

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