LA CROIX MYSTIQUE                                                                        > retour

 

VIII

 

DU CARRÉ À LA COUPOLE

 

Une église est censée mettre en relation le monde terrestre et le monde divin. Elle est comparable à une sorte d’échelle mystique dont  les architectes arméniens auraient voulu exposer en pleine lumière la démarche radicale. Là se trouve la raison et de l’étonnante imbrication de volumes qui caractérise cette architecture et des jonctions particulièrement soignées qui y sont mises en œuvre. C’est ainsi que, pour passer, à l’intérieur de l’édifice, du carré déterminé par l’intersection des bras de la croix à la base cylindrique de la coupole, il faut une transition. En général, un octogone se prête au jeu, et quatre arcs en surplomb, lancés au-dessus du vide, soutiennent les quatre nouveaux côtés. Les architectes ont tenu à valoriser les lieux et dispositifs de ce passage.


Cette liaison par des arcs est appelée trompe. La plupart du temps, les arcs qui constituent la partie supérieure des trompes sont presque assimilés aux grands arcs des absides ou conques au moyen de quelques subterfuges dont le plus habituel est de donner l’illusion que les arcs des trompes, n’étant pas entièrement visibles, sont de même dimension que les grands arcs. C’est ainsi que toute la partie basse de l’église est enrôlée au service de la coupole dans une sorte de ronde des arcs.


Parfois, la ronde des arcs devient une ronde des conques : alors une petite conque, à laquelle on donne le nom de niche, peut s’intercaler aux quatre coins, entre les conques de la croix. La trompe prend appui sur cette petite conque et donc sur un vide : la coupole semble douée d’une présence surnaturelle, elle semble en lévitation au-dessus du monde terrestre. Il n’en reste pas moins que les architectes sont dans l’obligation de traiter les jonctions de ces petites conques avec ce qui se trouve au-dessus et au-dessous d’elles. Ils le font là encore avec une incroyable ostentation, installant délibérément un hiatus entre les petites absides  de ces niches et les arcs des trompes, créant un espace transitionnel en éventail ou en marches d’escalier, désignant nommément l’existence d’une articulation visible et efficace entre les deux mondes.

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